Kammergericht : tribunal du peuple, centre des alliés puis cour constitutionnelle de Berlin, une histoire mouvementée

Photo Catherine Gras

Dans le quartier de Schöneberg se trouve un bâtiment dont l’histoire reflète l’histoire contemporaine de Berlin, du régime prussien, au régime nazi puis de la guerre froide à la réunification.

Ce bâtiment où siège le tribunal constitutionnel de la région de Berlin, le Kammergericht, date du début du XXème siècle, sa construction s’est achevée juste avant le début de la première guerre mondiale.

De style néo baroque, C’est un dédale de pièces et de couloirs organisés autour d’un hall central impressionnant.

Il se situe sur l’emplacement de l’ancien jardin botanique dont les restes forment aujourd’hui le Kleistpark. Pour ceux qui sont intéressés par le jardin Botanique actuel et notamment ses serres, je recommande la lecture de ce post (De verre et d’acier: le jardin botanique de Berlin).

Le Kammergericht existe à Berlin depuis plus de 500 ans, ce qui en fait le plus vieux des tribunaux de ce type encore en activité en Allemagne, mais c’est son histoire récente qui nous intéresse ici, symbole du régime nazi puis de la guerre froide.

La salle des séances plénières va abriter le tribunal du peuple (Volksgericht) lors des procès des opposants d’Hitler de 1944 à 1945. Le régime nazi va mener des simulacres de procès, plus de 100 condamnations à mort seront prononcées. Ces procès spectacles étaient filmés à fin de propagande. Le président du tribunal, Roland Freisler, s’y illustrera par la violence des ses propos et son attitude humiliante vis à vis des accusés. En février 1945, lors d’une attaque américaine, il sera tué par une bombe dans ce tribunal.

Des panneaux explicatifs se trouvent dans cette pièce aujourd’hui et donnent la longue liste des condamnés. Les peintures du plafond de cette pièce méritent aussi toute notre attention.

En octobre 1945, les quatre alliés constituent en ce lieu le Tribunal international qui aura à juger des crimes nazis. Les procès se tiendront ensuite à Nuremberg.

Dès 1945, les puissances occupantes, URSS, USA, Angleterre et France, vont y installer le Conseil de contrôle des Alliés. C’est ici que jusqu’en 1948 les quatre représentants militaires de ces pays se retrouvent pour administrer la ville. On voit encore de cette époque un meuble portant des indications dans les trois langues (enfin presque, certaines parties en russe n’existent plus aujourd’hui) :

Toutes les décisions s’y prenaient à l’unanimité et rapidement les relations se tendent entre les anciens alliés. En réaction à la décision de faire de la partie ouest de l’Allemagne une république indépendante, le représentant soviétique se retire le 20 mars 1948.

Le blocus terrestre de Berlin commence le 24 juin 1948 à l’annonce de la mise en place d’une monnaie unique, le Deutsche Mark à l’intérieur des trois zones occidentales.

Le Conseil des Alliés a cessé de siéger à cette date, mais le lieu va continuer d’être utilisé par les quatre puissances durant toute la guerre froide, ce sera la siège de la Luftsicherheitszentrale, sureté aérienne de Berlin. Cela fait de ce lieu, avec la prison de Spandau, un des deux seuls de Berlin Ouest administré par les quatre puissances.

Tout vol militaire ou civil venant de l’Ouest dans les couloirs aériens devait être signalé 40 minutes avant le survol du territoire de la RDA. Ce système est resté en place durant le pont aérien de Berlin en 1948 !

Le tribunal constitutionnel de la région de Berlin réintègre ses locaux historiques en 1991 : Kammergericht.

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